La société française Thomson, connue jusqu'alors pour ses activités dans le domaine de l'électronique civile et militaire, décida à l'aube des années 80 de se lancer dans l'aventure qui allait révolutionner la fin du vingtième siècle: la micro-informatique.
A cette époque, le PC d'IBM n'existait pas encore et le grand manitou que tout le monde révérait s'appellait l'Apple. Mais l'Apple était cher, peu convivial (au sens qu'avait ce mot en 1980, pas d'anachronisme) et pas du tout adapté au multimédia (là encore version 1980, i.e les couleurs et le son). Et surtout il n'était pas français.
Quelques dirigeants de Thomson, ayant peut-être pressenti les énormes potentialités de ce nouvel outil, décidèrent alors d'étudier la faisabilité d'un micro-ordinateur grand-public (voire même familial) à destination du marché intérieur français. Les résultats furent positifs et la société présenta le TO7 au public en 1982.
Les réactions furent élogieuses pour le nouveau venu, au moins quant à sa conception et ses possibilités techniques (clavier excepté). Mais le prix de vente (près de 7000 F pour la seule unité centrale) limita sérieusement le potentiel commercial du TO7.
Vint alors en 1984 un petit frère, le MO5, de conception voisine, certes moins cher mais aussi non totalement compatible avec son grand frère. Succès d'estime là aussi. Simultanément, le TO7 subit un relookage pour devenir le TO7-70, avec plus de couleurs et plus de mémoire. Ce fut mon premier micro-ordinateur. Peu après, une machine dite professionnelle était sortie, le TO9, concurrent direct de l'Apple II.
Mais pendant ce temps se préparait déjà la relève, la nouvelle génération, le nouveau héraut qui porterait l'étendard de l'informatique française; ce fut le TO8. Conçu pour concurrencer les envahisseurs anglais (Amstrad et consorts) et japonais (MSX), le TO8 avait une mémoire conséquente (256 ko), une palette de 4096 couleurs, un vrai générateur sonore (DAC 6-bit), une souris, un clavier mécanique, etc; c'était une merveille. Ce fut mon second micro-ordinateur.
Sur le modèle du TO8, Thomson améliora l'ensemble de sa gamme et sortit le MO6 puis le TO9+, pour succéder respectivement au MO5 et TO9.
Mais le crépuscule approchait, la sourde menace du PC s'était levée depuis quelques années déjà, et elle promettait de tout balayer. Ainsi elle avait tué dans l'oeuf le projet révolutionnaire que Thomson préparait dans le plus grand secret et qui aurait pu tout changer: une machine 16 bits basée sur le Motorola 68000 et équipée d'un système d'exploitation multitâche.
Dans un dernier soubresaut, Thomson commit la pire trahison qu'il est permis d'imaginer dans le monde de l'informatique: alors que, jusque là, toutes ses machines avaient été construites autour de microprocesseurs Motorola comme celles d'Apple, la société sortit le TO16, un PC, autrement dit une machine bâtie autour d'un microprocesseur Intel 8086.
La société ne s'en remit jamais et sa branche informatique ferma ses portes fin 1989.
(Pour en savoir plus, lisez le passionnant article paru dans SVM en mai 1989).
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